Aragon, la force entraînante de l'incipit

Œuvre et vie marquées par des engagement différents: aux textes provocants et éclatants d'invention du jeune surréaliste succède la production plus "rangée" du communiste et du chantre d'Elsa: réalisme socialiste des romans du Monde réel, retour à la poésie versifiée avec les recueils de la Résistance et les poèmes d'amour, jusqu'à ce que la crise politique de 1956 (déstalinisation) amène un renouveau des formes et de l'inspiration.
Cpdt, unité de cette œuvre discontinue se révèle ds la permanence chez l'homme et l'écrivain d'un questionnement sur soi et de la référence au surréalisme.

16a. Postface des Cloches de Bâle, 1964
le mécanisme de la création romanesque y est évoqué de manière concrète. 30 ans après sa publication, A rapporte comment il a écrit ce roman à partir d'une phrase venue spontanément ss sa plume et tt de suite comme la phrase initiale d'un texte. A l'origine du processus créateur, il y a dc une expérience voisine de celle décrite ds le Manifeste du surréalisme où Breton raconte sa découverte de l'écriture automatique, qui a constitué la pierre de touche du premier surréalisme.
"j'écrivis, tout à fait comme si j'étais encore eu temps de l'écriture automatique, une phrase, une première courte phrase, comme une provocation. Le type de phrase qu'il m'eût naguère encore paru inadmissible d'écrire (nb: allusion à la double condamnation du réalisme et du roman par les surréalistes). Tout ce qu'il y avait d'inconscient ici, c'était le caractère d'incipit de cette phrase: je l'imaginais dans une table des matières…Cela ne fit rire personne quand Guy appela M. Romanet papa (…) au-delà de ces mots s'enchaînait, s'articulait un livre épais, une histoire cohérente, un roman".

16b. Je n'ai jamais appris à écrire ou les Incipit, 1969
L'incipit y voit sa fonction créatrice systématisée. "conjonction de mots" donnée par "accident" et engendrant l'ensemble du roman, il constitue le germe d'une création qui s'opère en dehors de la conscience du romancier: l'auteur est un autre. Ce processus créateur répond à une nécessité intérieure et constitue une aventure personnelle. L'entreprise romanesque perd ainsi cette apparence de jeu gratuit et pauvrement inventé qui lui valait le mépris de Breton.
"Mes romans, à partir de la première phrase, du geste d'échangeur qu'elle a comme par hasard, j'ai toujours été devant eux dans l'état d'innocence d'un lecteur. Tout s'est toujours passé comme si j'ouvrais sans rien en savoir le livre d'un autre, le parcourant comme tout lecteur, et n'ayant à ma disposition pour le connaître autre méthode que sa lecture. Comprenez-moi bien: ce n'est pas manière de dire, métaphore ou comparaison, je n'ai jamais écrit mes romans, je les ai lus."

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