PERSPECTIVE ET POINT DE VUE

1. Qui raconte ? La perspective narrative

Un récit comporte un narrateur qui le rapporte. On peut distinguer deux grands cas :
— soit le narrateur assume clairement le rôle de narrateur en racontant l’histoire à la première personne du singulier « JE » ;
— soit le narrateur s’efface devant ses personnages, se fait transparent, si bien que l’histoire semble se raconter d’elle-même, à la troisième personne du singulier.
 En plus de ces deux modes de narration, le narrateur peut aussi intervenir de façon plus ou moins directe dans le récit :
— en s’adressant directement au lecteur à la 2e personne du singulier « Vous » ;
— en commentant l’organisation de son récit : « comme on l’a déjà dit plus haut » ; « comme on le verra plus tard »
— en donnant des explications nécessaires à la compréhension de l’histoire : « Il faut vous dire qu’à l’époque… »
— en portant des jugements moraux, esthétiques, idéologiques :
« le scélérat se jeta sur la malheureuse jeune femme » ; « c’était un petit fonctionnaire étriqué » ; « il lui avait offert un de ces horribles objets qu’on gagne dans les foires »


2. Qui ressent ? Le point de vue dans le récit
Il n’y a pas de lien direct entre le narrateur qui rapporte le récit et le point de vue à partir duquel l’histoire est présentée.
Le narrateur, présent grammaticalement ou non dans le texte, peut choisir de donner tout ou partie des informations qu’il détient sur l’intrigue et les personnages. Il existe trois points de vue différents, c’est-à-dire trois techniques narratives.


A. Le narrateur omniscient
Le narrateur en sait plus que ses personnages. Il ne pratique aucune restriction de champ, il ne sélectionne pas l’information qu’il donne au lecteur. Ce point de vue permet de rapporter les pensées, les sentiments de tous les personnages, ainsi que leur passé et leur caractère. Il permet de pouvoir observer ce qui se passe dans différentes époques et à des endroits différents. Le narrateur peut également faire des commentaires de toute sorte. Ainsi, le lecteur détient le maximum d’informations et en sait plus que tous les personnages réunis. (voir l’extrait de J. Rouaud, p. 00)
Ex. Kévin était angoissé. Ses mains tremblaient sur le flipper. Il aurait bien aimé que la jeune fille, appuyée nonchalamment au radiateur, réponde à ses regards. Il se retournait de temps en temps pour la surveiller du coin de l’œil. Marie s’était bien aperçue du stratagème. Son cœur battait plus vite, mais pour rien au monde elle n’aurait voulu qu’il s’en aperçoive.


B. Le point de vue interne
Le narrateur adapte son récit au point de vue d’un personnage. Il y a donc restriction de champ et sélection de l’information. Le narrateur en sait autant que son personnage, mais pas plus. Le lecteur découvre les événements, les lieux, les autres personnages par ce personnage privilégié qui analyse la situation selon son intelligence et sa sensibilité. L’effet habituel est celui d’une identification de lecteur au personnage privilégié. (voir l’extrait de H. Barbusse p. 00)
Par ailleurs, la narration peut se faire, dans ce cas, à la première personne, ou à la troisième personne.
Ex. Kévin était angoissé. Il sentait sess mains trembler sur le flipper. Il se demandait si la jeune fille, au fond de la pièce, appuyée au radiateur, l’avait remarqué et s’il pouvait oser l’inviter à faire une partie avec lui.


C. Le point de vue externe
Le narrateur en sait moins que ses personnages. L’histoire est racontée de façon neutre, comme si le regard du narrateur se confondait avec l’objectif d’une caméra. Le narrateur ne saisit que l’aspect extérieur des êtres et des choses. La sélection de l’information est beaucoup plus poussée : ce point de vue permet seulement de rapporter les actions, les gestes, les paroles des personnages, mais leurs pensées ne sont jamais connues du lecteur.
Par ailleurs la narration peut se faire à la troisième personne ou à la première personne
Ex. Le garçon était au flipper. Ses mains tremblaient légèrement. De temps en temps, il jetait un coup d’œil à la jeune fille adossée au radiateur. Celle-ci promenait un regard distrait sur la salle de jeux.


Tableau de synthèse :










3. Les changements de perspective et de point de vue
Dans un récit court (une nouvelle) l’auteur choisit souvent un seul point de vue et le maintient jusqu’au bout. Dans un roman, l’auteur multiplie les points de vue, et parfois même les perspectives narratives. De cette manière, l’histoire gagne en intensité et les personnages en épaisseur.
Les changements de perspective peuvent paraître simples et automatiques : on passe de la 1re personne à la 3e personne et vice-versa.
Cependant, le tableau indique que les aménagements sont beaucoup plus complexes : quand on change de point de vue, on a besoin de sélectionner les informations que l’on délivre au lecteur :
— de point de vue omniscient au point de vue interne : on élimine les commentaires, les pensées, les sentiments des autres personnages. On choisit un personnage qui sera vu de l’intérieur, et on s’interdit de rapporter les événements dont ce personnage n’aurait pas connaissance.
— du point de vue omniscient au point de vue externe : on élimine les commentaires, les pensées, les sentiments de tous les personnages. On enregistre uniquement leurs faits et gestes et leurs paroles. La description des gestes, les dialogues, qui communiquent l’essentiel de l’information, doivent être particulièrement travaillés.
— du point de vue externe au point de vue omniscient : le narrateur développe les pensées, les sentiments des personnages, commente l’action, les caractères, fait des incursions dans leur passé…
— du point de vue externe au point de vue interne : le narrateur choisit un personnage à partir duquel il va raconter l’histoire. Il rapporte les pensées, sensations, sentiments de ce personnage, qui, voyant les autres de l’extérieur, peut faire des hypothèses ou des commentaires sur leurs comportements.


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