Translation temporelle - Partie 2

Suite de partie 1.

HIVER 2043


La chambre faisait dix mètres sur dix mètres, un carré parfait,  les murs étaient blancs et saupoudrés de tâches marrons, ils n’étaient pas sans lui rappeler un tableau de l’ancienne pinacothèque moderne de Munich. Mais tout avait disparu hélas. La vraie guerre faisait rage dans le monde. Non une guerre des idées mais celle des hommes. Lui, il l’avait vue venir, anticipée.
Un léger toc se fit entendre sur la porte métallique de la chambre froide, qui arracha George de ses pensées, il sursauta :
-          Ah c’est vous !

Oui, cette chose était là, chaque vendredi depuis plusieurs mois. A chaque fois il ne l’entendait pas venir. Ses pieds étaient recouverts de cuir souple.Elle portait une pantalon noire, usé et  bouffant qui étouffait les bruits et qui ressemblait étrangement à un hakama, le reste du corps était enveloppé d'une veste marron en cuir élimé qui se terminait par une capuche effilochée. Le visage restait toujours dans l'ombre, mais on voyait qu'il était recouvert de tâches marrons et noires. George n'était jamais rassuré en voyant cette chose silencieuse. C'est pourquoi, il lui avait donné un nom rassurant : l'ange.
-          Allez, entrez n’aillez pas peur venez choisir votre morceau.
L’ange rentra dans la chambre froide, une vapeur blanche s’échappait de son corps, comme s'il avait couru juste avant. Il montra la partie la plus tendre de la bête de sa main gantée.
-          Eh bah dit donc, vous savez ce qu’il faut vous, s’écria George

George fit glisser la lame de son couteau parfaitement aiguisée sur la viande. L'ange était comme une mauvaise herbe au milieu de son île où régnait discipline et obéissance. La première fois, l'ange était apparu soudainement à la terrasse de sa villa perchée en montagne, George y buvait sa chicorée en regardant les jeux du soleil levant sur une mer d'huile. Il avait laissé tomber sa tasse sous l'effet de surprise. Comment était-il passé à travers tous les dispositifs de sécurité qu'il avait minutieusement mis au point ? . Au début il avait pensé que l'ange était là pour l'assassiner, non il lui avait tendu simplement un vieux morceau de papier où était griffonné " dans les prochains jours,on tentera de vous empoisonner". Il avait essayé ensuite de lui poser des questions, en vain l'ange s'était contenté de poser un doigt devant sa bouche, puis avait disparu. L'ange avait dit vrai et il lui en était redevable car il avait encore beaucoup de plans à accomplir dans cette vie. L'ange avait obtenu en retour un laisser passer sur toute son île et avait le droit de venir manger de la viande tous les vendredis, un privilège incommensurable dans ce temps de guerre et de disette.  
Aujourd’hui, c’était le grand jour, il le sentait, il l’obligerait à parler, il cuisinerait pour l'ange ce bon filet de bœuf, nappé d’une sauce au vin rouge, quelques feuilles de coriandre, son invité mangerai goulûment comme chaque fois. Il fallait que son nouvel ami se détende, la détente réduisait le stockage de l’acide qui contractait  les muscles, même ceux de la bouche.
Pendant le  repas, George osa : " Pourquoi vous ne parlez jamais et vous ne montrez jamais votre visage ?"
L'ange  retira délicatement ses gants, doucement sa capuche, et répondit " Avez-vous une douche, l'eau de la Solenzara commence a être trop froide à mon goût."
George resta bouche-bée. l'ange repris : " Je crois que c'est tout droit, je peux vous l'empruntez"
George se contenta de hocher la tête. L'ange se déchaussa, retira ses chaussettes de laine,  puis se leva, déboutonna sa lourde veste de cuir et la laissa tomber sur le sol, desserra le nœud qui tenait son pantalon bouffant, il glissa le long de ses jambes, il enleva son pull et son t-shirt. L'ange était nu, il semblait marcher sur des nuages. George était prêt à le suivre jusqu'en enfer, mais il resta assis, sa main tenait son cœur, il l'entendait tambouriner jusqu'aux oreilles. Il venait de comprendre qu'il n'avait jamais vu de femme aussi belle. Elle serait à lui, rien qu'à lui.


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